Cette question du numérique et du psychique me tient à cœur du fait que je vienne du monde du web et que ma reconversion professionnelle m’ait amené dans le monde de la psychologie. Disons que compte tenu de mon expérience dans ces deux domaines, je commence à savoir de quoi je parle, je peux commencer une ébauche de réflexion et tenter d’apporter des réponses aux questions que pose la relation entre notre santé psychique et le numérique.

Le sujet est largement traité par les médias, les médecins et autres organisations, et chacun se sentira partagé entre le bénéfice que le numérique apporte et les dérives qu’il entraine. Comment garder l’équilibre qui fera en sorte que chacun préserve sa santé mentale tout en incluant le numérique dans sa vie quotidienne ? Que faire si cet équilibre est rompu ?

Le succès d’internet

On ne peut déjà pas dissocier numérique et internet, tant celui-ci a démocratisé celui-là :

  • Le numérique, c’est la mise à disposition d’outils (serveurs, ordinateurs, smartphones, logiciels…) qui optimisent les us et coutumes de l’activité humaine, qui accompagne sa créativité et d’une manière générale son évolution. Le numérique remplace et automatise des actions qui dans le passé étaient réalisées manuellement, ou il modernise des techniques industrielles ou des méthodes de travail nécessitant plus de ressources (dans le monde de la musique par exemple, on parle de « matériel analogique » et de « matériel numérique » : certains anciens synthétiseurs analogiques dont les qualités sonores sont recherchées par les créateurs, sont reproduits de façon numérique grâce à des logiciels. Ces mêmes logiciels sont capables de reproduire des sons d’instruments traditionnels avec plus ou moins de succès…)
  • Internet, c’est la logique du lien (on parle de « la toile »), ce sont ces liens qui n’existaient pas avant son avènement et qui ont ouvert des perspectives nouvelles à la société : abolition des vieilles structures, créativité permanente, partage, convergence des inventions… Internet renforce la notion de conscience collective et collaborative entre les êtres.

Les spiritualités du monde nous indiquent que nous sommes tous reliés et nous interagissons les uns avec les autres, dans une unité respectant la singularité de chacun. Internet applique une toile technologique à cette toile « naturelle » existante et se superpose avec elle. A travers cette technologie, l’être humain a donc la capacité de décupler ses liens avec les autres, et de devenir connecté à 100% à la toile mondiale.

Nouveau média, mêmes travers psychologiques !

Voici donc une multitude de possibilités inexistantes dans le passé de notre civilisation, avec lesquelles nous allons mieux vivre : c’est la promesse de la technologie numérique.

Pour qu’il soit vécu à la hauteur de cette promesse, ce lien que nous propose Internet doit être non addictif, sans dépendance émotionnelle, sans fuite vers le divertissement, ou extériorisation compulsive de ses centres d’intérêt.

Mais pour nombre d’êtres humains cela ne se passe pas comme ça : la superposition des toiles naturelle et numérique est facteur de confusion.

Dans une utilisation galvaudée d’Internet, l’être humain garde toujours ses caractéristiques psychologiques :

  • sentiment de solitude
  • manque de reconnaissance
  • perte de contact avec la nature
  • incompréhension du vivant et de la vie en général
  • addictions…

Nos vies intérieures sont remplies de combats quotidiens : conflits, stress, temps décousu, contraintes de la société, comportements destructeurs, croyances limitantes, modèles réducteurs…
Elles nous amènent à de nombreux troubles : perte d’identité, hyperexcitabilité, perturbations émotionnelles, addictions, désirs artificiels, séparation d’avec soi, incompréhension de l’autre, souffrance…

Alors les êtres se remplissent de choses venant de l’extérieur pour combler le manque. Et ceux qui l’ont bien compris, ce sont les marketeurs et les fabricants de produits de consommation. Comme avec les autres outils avant Internet (les médias au sens large), ils entretiennent le manque et le désir, principales sources de nos déséquilibres psychologiques, à des fins économiques. Ils nous font croire que la consommation numérique (avec un Iphone de préférence !) est la réponse à nos drames d’humains, ce qui est faux, bien entendu.

Pour les personnes tombées dans ce piège, le numérique avec Internet devient alors un outil de fuite et de dépendance, de consommation immatérielle et d’isolement profond. Elles sont prises comme hypnotisées par ces faux « doudous » sans arriver à s’en défaire. Vide de sens, le numérique devient alors une pollution incontrôlable.

Comment ces personnes peuvent se sortir de cette spirale de l’échec alimentée par nos modes de vie consuméristes qui ont largement investi le numérique ?

La créativité retrouvée

Le thérapeute qui vient en aide aux personnes piégées par une utilisation inadéquate du numérique, cherche à leur faire prendre conscience qu’il existe une vie plus harmonieuse et créative.

Il interroge la personne sur ses croyances, ses valeurs, le sens qu’il donne à sa vie, pour changer de paradigme : les troubles et maladies sont la résultante de nos choix de vie et de nos attitudes dans notre quotidien. Interroger ces choix est une manière de reprendre notre vie en main et de prendre la voie de la guérison.

Une manière de stopper la tentation extérieure, c’est d’être présent, et surtout présent à soi. Solliciter la fibre créatrice présente en chacun de nous, c’est une manière d’écouter de nouveau notre corps et notre cœur, afin d’éveiller notre conscience à notre responsabilité. Car nous sommes bien responsables de notre vie !

Retrouver l’écoute du corps en le déconnectant de l’artifice numérique, stoppant la surcharge d’informations toxiques pour le recentrer et l’ancrer dans la réalité.
Retrouver l’écoute du cœur en laissant la place à l’intériorité, à soi, à la rencontre dans la réalité, stoppant la quête accélérée de sensations virtuelles et les émotions primaires stimulées par la société de consommation.

Prendre conscience des éléments destructeurs dans notre vie, c’est retrouver notre responsabilité sur notre vie, retrouver la sagesse du corps et du coeur pour une vie plus harmonieuse et créative.

Voilà ce que l’Art-Thérapeute peut apporter aux personnes : construire plutôt que détruire, à travers le pouvoir de la création artistique, et faire preuve de discernement entre la création constructive et la consommation destructrice. Et de cette transformation intérieure naîtra la transformation sociétale, une nouvelle manière de vivre la relation sociale à l’extérieur, bien plus acceptable pour soi et les autres.

Image par Sergio Cerrato – Italia de Pixabay